Clicky

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25/02/2015

Tramadol: Utilisation raisonnée et sereine

Tramadol use and the risk of hospitalization for hypoglycemia in patients with noncancer pain (1).  Jean-Pascal Fournier, Laurent Azoulay, Hui Yin, Jean-Louis Montastruc, Samy Suissa
 
Commentaires d’Hélène Beloeil, pour le conseil scientifique de la société française d’Anesthésie et de Réanimation.
 
Après le retrait du dextropropoxyphène en 2011, les restrictions à la prescription de codéine (2) suite à une publication (3) en 2013, le tramadol, seul médicament antalgique de palier 2 encore disponible fait aussi l’objet de surveillance et d’alertes. Suite au retrait du dextropropoxyphène, les ventes de tramadol ont progressé de 30 % dans l’année qui a suivi. Cette augmentation de consommation s’est accompagnée d’une recrudescence des déclarations d’évènements indésirables (+15%) sur la même période. Ces évènements étaient principalement psychiatriques (16%), vertiges, somnolence, syncope, convulsions (15%), nausées et vomissements (12%) et enfin des hyponatrémies et hypoglycémies (4). Parallèlement, des cas de  dépendance et un syndrome de sevrage suite à un usage abusif ont été décrits. L’ANSM a ainsi renforcé la surveillance de l’usage du tramadol en mettant en place un comité de pharmacovigilance et d’addictovigilance en 2012. Malgré un avis favorable au maintien du tramadol de la commission de transparence de la HAS en mars 2014, les alertes ont été reprises par les médias nationaux en septembre 2014. Dans ce contexte de restrictions à la prescription des médicaments antalgiques de palier 2 et 1 (restrictions à l’utilisation du diclofenac par l’european medicines agency en juin 2013, notamment), la données scientifiques et les recommandations des sociétés savantes vont toutes dans le sens d’un bénéfice à la réduction des consommations de morphine et donc à l’utilisation d’une analgésie multimodale. Il y a là une impasse…
L’article commenté ici, publié dans le JAMA à la fin de l’année 2014, s’est intéressé au risque d’hypoglycémie associé à la prise de tramadol en comparaison avec la codéine. Ce risque avait déjà été décrit dans ces cas cliniques. Les auteurs ont réalisé une étude cas-témoin rétrospective sur une cohorte de plus de 330 000 patients. Les auteurs ont réalisé 3 analyses successives: 1) étude cas (tramadol) - témoins (codéine), 2) une analyse de cohorte avec calcul de score de propension et 3) une analyse de cas en « crossover » dans laquelle chaque cas est son propre contrôle. Pour chaque patient il y a une période pendant laquelle le patient est un cas (prise de tramadol) et une période pendant laquelle le patient n’est pas un cas (avant ou après la prise de tramadol). L’exposition au risque d’hypoglycémie pendant ces deux périodes a été comparée.
 
Les résultats de leur analyse montrent que le risque d’hospitalisation pour hypoglycémie est deux fois plus important lors de la prise de tramadol que de codéine. Ce risque est particulièrement élevé dans les 30 premiers jours de traitement. Il est identique chez les patients traités par antidiabétiques laissant supposer que le diabète n’est pas un facteur de risque surajouté. L’incidence de l’hypoglycémie secondaire à la prise de tramadol est de 7 pour 10 000 ce qui en fait un effet secondaire rare et donc non rapporté dans les études randomisées.
Les propriétés analgésiques du tramadol passent par 2 mécanismes d’action : agoniste faible pour les récepteurs aux opiacés et inhibition de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Les voies sérotoninergiques ont des effets sur la régulation du glucose. La sérotonine peut induire des hypoglycémies chez des animaux diabétiques. Ceci reste à confirmer mais pourrait expliquer les hypoglycémies secondaires à la prise de tramadol.
A partir de la même cohorte de patients et en appliquant une méthodologie identique, les auteurs ont également retrouvé un risque augmenté d’hyponatrémie lors de la prise de tramadol comparé à la codéine (5). Là encore,  les auteurs précisent que le mécanisme d’action du tramadol peut expliquer cet effet secondaire. Les autres médicaments inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (type anti-dépresseurs) sont, par ailleurs, connus pour entraîner des hyponatrémies et hypoglycémies.
 
Au final, cet article confirme l’existence d’effets secondaires rares mais potentiellement graves associés à la prescription de tramadol. Ceux ci doivent être connus des prescripteurs et intégrés dans les informations aux patients. Cet article ne doit pas, cependant entraîner une nouvelle restriction à l’utilisation des antalgiques. Il faut insister sur le bénéfice à l’utilisation des associations d’antalgiques qui permettent d’assurer une analgésie de qualité tout en diminuant les posologies de chacun des médicaments et donc, souvent, également les effets secondaires associés.
 
Références
1.         Fournier JP, Azoulay L, Yin H, Montastruc JL, Suissa S. Tramadol Use and the Risk of Hospitalization for Hypoglycemia in Patients With Noncancer Pain. JAMA internal medicine 2014.
2.         Médicaments contenant du diclofénac, de l'hydroxyéthylamidon, de la codéine (pour l'enfant) et solutions pour nutrition parentérale pour prématurés: avis et recommandations du PRAC. wwwansmfr 2013.
3.         Racoosin JA, Roberson DW, Pacanowski MA, Nielsen DR. New evidence about an old drug--risk with codeine after adenotonsillectomy. N Engl J Med 2013;368:2155-7.
4.         pharmacovigilance Cnd. http://www.ansm.fr.  2012.
5.         Fournier JP, Yin H, Nessim SJ, Montastruc JL, Azoulay L. Tramadol for non-cancer pain and the risk of hyponatremia. The American journal of medicine 2014.

| Tags : douleur

Les commentaires sont fermés.